Dimension Psychologique

L’atteinte cutanée du Vitiligo a ceci de particulier qu’elle est livrée au regard d’autrui sans que celui qui en souffre puisse s’y soustraire. Cette dermatose affichante, répandue mais peu connue, n’engendre pas de souffrance physique et paradoxalement crée un mal-être psychologique d’autant plus grand «qu’il n’y a pas lieu de se plaindre ». La personne atteinte se trouve de ce fait dans un positionnement de non-reconnaissance et de culpabilité.

Le discours des médecins, comme celui de l’entourage, ne semble pas tenir compte de la souffrance consécutive à cette «mutilation » de l’image de soi. Pas de pronostic vital,  pas de douleur physique : ceci aggrave le sentiment d’être incompris. Sentiment qui est source d’isolement, de repli sur soi et parfois de dépression grave. De plus, la personne concernée ressent de la culpabilité puisque son environnement s’obstine à lui signifier que «ce n’est rien » et «qu’il y a des maladies bien plus graves ».

L’évolution de la pathologie est faite d’incertitude. Personne ne guérit du vitiligo et les traitements proposés par les dermatologues laissent un faible espoir de réparation du préjudice esthétique. Le patient se sent ainsi abandonné par la médecine et par la recherche médicale, à la merci d’une progression imprévisible de son mal. Il est désarmé face au regard de l’autre et à celui qu’il porte sur lui-même, vivant dans la crainte permanente d’une expansion subite de la dépigmentation.

Pour ne pas affronter la curiosité (dans le meilleur des cas), le rejet ou le dégoût, la personne concernée peut alors désinvestir sa vie relationnelle, éviter les contacts, renoncer à une carrière professionnelle ou une rencontre sentimentale. Elle s’installe alors dans une vie de frustrations, se sentant responsable de son propre malaise. Multipliant les consultations chez les dermatologues à la recherche d’un traitement « miracle » – un patient déclarant un Vitiligo consulte cinq dermatologues en moyenne – il peut devenir, tôt ou tard, consommateur d’antidépresseur, d’anxiolytique.

Le malade et son médecin

dermato medecinPour que le diagnostic soit posé, le patient est amené quelquefois à consulter plusieurs médecins. Cela ne signifie pas pour autant que le médecin lui aura prescrit un traitement ou même l’aura renseigné sur les possibilités de soigner, de réparer le préjudice causé par cette dermatose.
En effet, beaucoup de témoignages relatent des expériences douloureuses où le médecin ne prend pas suffisamment en considération le mal être induit par ce dysfonctionnement rarement connu du patient. Il oublie quelquefois de rassurer le malade et il minimise la souffrance psychologique associée à cette dermatose et peut même la nier.

« Ce n’est pas grave…, il y a pire…, vous vous habituerez…., ça ne se voit pas… » Autant de remarques qui sont insupportables à entendre !
Quelque soit l’âge du patient, il parait important que celui-ci possède un minimum de connaissance sur le fonctionnement de la peau, dispose de mots pour parler de sa maladie et soit capable de l’expliquer à son entourage.

Une relation thérapeutique de qualité a bien entendu une influence majeure sur l’observance du traitement, la confiance et le sentiment d’être enfin reconnu. Les dermatologues qui savent entendre la plainte de leurs patients et permettre qu’elle soit exprimée les aident véritablement.

Le malade et son vécu

En fonction de l’âge d’apparition des premières zones dépigmentées, le vécu va prendre des formes différentes :

● Une personne souffrant de vitiligo depuis son enfance aura construit autour de cette différence tout un système de protection, banalisation, minimisation qui l’amènera à dire « j’ai grandi avec, il fait partie de moi ». Sa difficulté sera de résister à l’angoisse de ses parents, de ne pas se laisser envahir par une surprotection quelquefois étouffante (multiplication des consultations médicales, insistance pour l’observance d’un traitement, réappropriation du problème comme blessure narcissique familiale). Cette surprotection ne tient pas compte de l’aspect chronique de la dermatose où le temps est une composante importante.

● Une personne atteinte à l’âge adulte aura peut être plus d’autonomie pour surmonter sa difficulté car la pression parentale ou environnementale sera apparemment moindre mais elle éprouvera un sentiment de solitude, d’isolement et même d’abandon, elle aura tendance à interpréter les réactions ou les regards des autres : gêne, indifférence, curiosité, pitié, dégoût…
Chacun aura sa façon d’ « aménager » sa dermatose en fonction de critères très personnels, une généralisation serait tout à fait impossible, d’autant qu’une même personne est, selon les moments de sa vie, plus ou moins fragilisée par cette atteinte esthétique et psychologique.
Si le vitiligo se développe chez une personne plus fragile, manquant de confiance en elle alors l’impact est encore plus grand. La perte de l’estime de soi, un sentiment de honte, une forme de fatalisme perturbent profondément la vie de ceux qui se sentent comme « mutilés »
Lorsque le malade affronte une souffrance qu’il pourra difficilement surmonter seul, une aide psychothérapeutique paraît nécessaire.

Une personne jeune ou moins jeune peut aussi avoir des ressources psychiques telles qu’elle vit son vitiligo avec « sérénité ». Considérant le vitiligo comme un obstacle surmontable elle dit en accepter les inconvénients et développe souvent de grandes qualités d’empathie et de bienveillance.

Le malade et les autres

Malade VitiligoIl arrive que la personne concernée aille chercher dans le regard des autres, particulièrement de ses proches, la confirmation de l’atteinte esthétique « affichante », elle croit y trouver des expressions de rejet, de dégoût, de pitié, interprétant la simple curiosité comme le signe de sa différence mal supportée.

Plus la personne se focalise sur ses défauts pigmentaires plus elle provoque chez autrui un intérêt, c’est comme si l’autre percevait un mal être et en cherchait sa cause. C’est en rencontrant d’autres personnes atteintes de la même dermatose que souvent il devient possible de relativiser, « s’habituer », car les autres vous servent de miroir et chacun comprend que la personnalité et son rayonnement de chacun surpassent l’apparence et ses imperfections.

Etude faite par Martine Carré – Psychologue de l’association française du vitiligo

 

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